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Du fait des différentes incitations des pouvoirs publics d’une part et d’un désir collectif de mieux partager la valeur créé d’autre part, les dispositifs d’épargne entreprise (épargne salariale et épargne retraite), alimentés par l’intéressement, la participation et les cotisations retraite obligatoires ont pris de plus en plus d’importance ces dernières années.

Et les sommes investies par les entreprises dans ces dispositifs peuvent être très importantes (en moyenne 2 500€ par personne par an , souvent plus de 5 000€, parfois plus de 10 000€…).

Une grande partie des salariés n’y voient pourtant pas clair, principalement par manque d’éducation financière et malgré les efforts des entreprises sur leur communication sur le sujet.

On pourrait dire que ce n’est pas si grave pour l’employeur (après tout chacun dispose de toutes les informations, à lui de s’en saisir ou pas), sauf que ce manque de clarté des salariés sur leurs propres avantages a un vrai coût pour l’entreprise. Quel est-il ?

Quels sont les impacts ?

Premièrement un salarié qui n’y voit pas clair, c’est un salarié qui se pose des questions.

« Pourquoi on me force à investir sur des marchés financiers ? », « Comment je fais pour choisir des fonds que je ne connais pas ? », « Pourquoi il y a trois compartiments fiscaux différents ? « , « On me propose une gestion pilotée, qu’est-ce que ça veut dire? », et parfois même « Pourquoi pas une prime normale ? », « Qu’est-ce que ça cache ? »…

Les exemples (vécus et racontés) sont nombreux et ils démontrent que le manque de clarté suscite parfois de la méfiance, sur un dispositif qui n’est autre qu’un cadeau offert par l’entreprise et l’état (les salariés bénéficient de plans déjà ouverts, sans frais d’ouverture, avec une déduction fiscale à l’entrée et parfois à la sortie, ce qu’il ne trouveraient pas sur le marché en dehors de leur entreprise) dans le but qu’ils épargnent pour leur retraite.

La RH est parfois mise en doute alors qu’elle ne fait que distribuer un avantage proposé par le gouvernement.

Deuxièmement, un salarié qui n’y voit pas clair, c’est un salarié qui se désengage.

S’il ne comprend pas bien ou s’il a l’impression que cela va être compliqué, il sera très difficile pour lui de se plonger dans les communications qu’il reçoit de son employeur (ou de son teneur de compte), pensant qu’il n’y a rien de particulier à faire ou que les options par défaut sont les bonnes pour lui (ce qui est faux dans une très grande majorité de cas).

En ignorant régulièrement le sujet, le risque est qu’il finisse par considérer sa prime d’intéressement, de participation ou la cotisation retraite obligatoire de son employeur comme un à côté un peu flou, certes intéressant financièrement mais toujours acquis, ou en tout cas pas accompagné d’un « youpi! ».

Rappelons que dans la très grande majorité des entreprises, la prime annuelle variable sur objectifs est discutée dans le détail et individuellement par les managers auprès de chacun des membres de leur équipe, avec un effet d’appropriation maximal : pourquoi les dispositifs collectifs ne feraient-ils pas l’objet de la même attention individuelle ?

Quelle part des salariés est en défiance ou désengagée par rapport au dispositif d’épargne de son entreprise ? Difficile à estimer précisément pour chaque entreprise, mais on peut quand même se faire une idée plus précise de la taille de cette population « à risque ».

Quelle part des salariés est concernée ?

Pour l’estimer trois critères sont particulièrement pertinents (sans que ce soient bien sûr les seuls possibles) :

  1. le niveau d’éducation financière de la population
  2. la complexité du dispositif
  3. la part des salariés qui place en fonds monétaire

Sur le premier critère, les statistiques sont nombreuses mais pour les résumer, on estime que :

  • 70% des salariés français ne maîtrisent pas les bases de la finance (inflation, intérêts composés, diversification) – source : CNRS
  • 83% des salariés français ne maîtrisent pas les bases de la fiscalité des particuliers (TMI, PFU) – source : BVA
  • 58% des salariés français sont incapables de choisir seuls leurs fonds d’épargne entreprise – source : Mercer

Les populations sont bien sûr différentes dans chaque entreprise, mais on pourra retenir qu’au moins 50% des salariés n’est pas autonome sur les sujets financiers qui fondent l’épargne entreprise.

Sur le second critère, on voit à l’usage (cf. les remontées des coachs Filib’ en tout cas) que plus il y a de plans, fonds, abondements différents, plus les salariés ont du mal à y voir clair.

Pour simplifier il y a quatre grandes situations :

  • l’entreprise a un PEE uniquement, auquel cas la difficulté pour les salariés est limitée au choix des fonds et à la fiscalité à l’entrée
  • l’entreprise a un PEE et un PERCO (la plus courante), auquel cas la difficulté pour les salariés s’accompagne du choix du véhicule,  du choix d’une gestion financière pilotée ou non et d’une interrogation sur l’épargne retraite
  • l’entreprise a un un PEE et un PER « loi Pacte » (appelé aussi PERU, PERCOL ou PERECO), auquel cas la difficulté pour les salariés s’accompagne en plus de l’étude de la fiscalité à la sortie en fonction des différentes sources d’alimentation
  • l’entreprise a un PEE et un PERCO ou PER « loi Pacte » et un article 83 ou article 39, auquel cas la difficulté pour les salariés s’accompagne en plus de l’orchestration entre plusieurs véhicules dédiés à la retraite

On pourra retenir que si les 50% de salariés non autonomes sont valables pour la deuxième situation (la plus courante) alors ceux dans la première situation sont un peu plus nombreux à être autonomes, et ceux dans les troisièmes et quatrième situations sont un peu moins nombreux à être autonomes.

Enfin sur le troisième critère, l’expérience (encore elle) montre que plus il y a de salariés qui place en fonds monétaires (actif sans risque à rendement négatif), plus il y a de salariés qui n’y voient pas clair sur leur dispositif (puisqu’il s’agit d’un choix perdant dans une immense majorité de cas). La moyenne française est 25% (source : Eres). On retiendra qu’en-dessous de ce chiffre les salariés y voient plus clair que la moyenne sur leur dispositif et qu’au-dessus de ce chiffre ils y voient plus clair.

Ca fait beaucoup de chiffres et beaucoup de si… concrètement qu’est-ce que ça veut dire pour un employeur ?

Combien ça coûte vraiment ?

Un salarié qui n’y voit pas clair sur son dispositif se pose des questions (donc est potentiellement en défiance sur cet avantage) et se désengage de son dispositif (donc banalise cet avantage).

Comparé à une prime variable sur objectif ou à une augmentation de salaire qui serait valorisée à 100%, pour lui seule une partie de cette valeur est perçue. Impossible de dire quel pourcentage, mais on peut raisonnablement dire que ce n’est pas 100%.

En reprenant ce que nous avons vu plus haut, pour une entreprise de 1000 salariés qui verse 2 500€ de prime annuelle d’intéressement/participation/retraite obligatoire par salarié, on est capables d’estimer le montant distribué aux salariés qui n’est pas valorisé à 100% (avec en jaune le cas médian) :

 

 

Des investissements de cette importance qui ne sont pas optimisés par l’entreprise, dans une période de crise où chaque euro compte et sachant que des solutions efficaces coûtant moins de 10€ par salarié existent, est-ce bien raisonnable ?

Auteur : Sébastien Foret

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Post Author: Le Blog de la Téléconsultation Financière

Filib' : la téléconsultation financière pour les salariés

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