
On a beaucoup parlé de Net Promoter Score (NPS) ces dernières années, à juste titre car il permet non seulement de mesurer la satisfaction mais aussi la capacité des utilisateurs d’un produit ou d’un service à le recommander activement, ce qui a un intérêt très concret pour les entreprises (baisser les coûts d’acquisition).
On parle depuis peu du Employee Net Promoter Score (eNPS) et de plus en plus de cabinets de conseils ou instituts de recherche s’intéressent au sujet. La thèse, intéressante et qui suscite un intérêt croissant, voudrait que plus on a envie de recommander son entreprise, plus on s’occupe bien de ses clients, et donc plus ses clients ont envie de recommander les produits ou services de l’entreprise. Cela peut paraître anodin mais si cette tendance se confirmait cela pourrait bien être le début d’une nouvelle ère…
Petit rappel sur le eNPS
C’est un indicateur qui se calcule sur le modèle du NPS utilisé pour les clients d’une entreprise. Une seule question est posée aux salariés : “Quelle est la probabilité que vous recommandiez votre entreprise autour de vous ?” avec des réponses possibles entre 0 (nulle) et 10 (certaine).
La différence entre la part des promoteurs (réponses 9 et 10) et la part des détracteurs (réponses inférieures à 7) donne le eNPS, qui peut donc osciller entre -100 et + 100.
Obtenir un bon eNPS est en théorie plus difficile qu’obtenir un bon NPS car les salariés sont plus exigeants avec leur employeur (qu’ils côtoient tous les jours) qu’avec une entreprise (qu’ils côtoient moins souvent) et on considère généralement qu’au-delà de 30 le score est excellent.
Parmi les très nombreux moyens de mesurer la satisfaction et l’engagement des salariés, le eNPS a l’avantage d’être très simple, pour celui qui le renseigne comme pour celui qui le lit. Et il induit une égalité de traitement entre un salarié et un client, ce qui soulève plusieurs questions.Pourquoi y’aurait-il un lien entre eNPS et NPS ?
Pour des raisons assez différentes mais toutes assez crédibles.
D’un point de vue logique, un salarié qui recommande son entreprise est engagé, et donc fait bien son travail, génère de l’enthousiasme, propose des initiatives, etc… Autant d’éléments positifs pour l’entreprise qui rejaillissent nécessairement sur la satisfaction et l’engagement des clients (comme Bain l’explique très bien dans la désormais célèbre “Promoter Flywheel“).
D’un point de vue statistique, les choses sont forcément différentes pour les salariés qui travaillent directement au contact des clients et pour les autres, puisque les premiers ont plus d’occasions d’agir sur la recommandation des clients (en bien ou en mal) que les seconds. Le lien entre eNPS et NPS serait donc mathématiquement plus fort à mesure que la part des salariés au contact direct de clients augmente.
Mais la “surface de contact” avec les clients a tendance à augmenter avec les évolutions récentes du monde de l’entreprise: organisations user-centric, boucles qualités incluant l’interne, hotlines partagées, contribution à l’expérience client de tous ceux qui sont impliqués dans le digital. On peut en déduire que ce lien NPS / e-NPS ne peut que se renforcer.
A l’ère de l’immédiateté et de l’hyper-connectivité, cette relation existe au niveau de chaque personne, qui est toujours en même temps salarié et consommateur, quelle que soit la taille de l’entreprise dans laquelle elle travaille.
D’un point de vue scientifique, si la corrélation entre eNPS et NPS est plus ou moins admise (certains experts estiment même le coefficient de corrélation à très exactement à 0,43 ) la causalité du eNPS vers le NPS n’est toutefois pas encore établie (les salariés d’une entreprise ne pourraient-ils pas aussi être engagés tout simplement parce que les clients de l’entreprise sont satisfaits ?).
Mais quelle que soit l’approche choisie, on voit bien que les indices pour une relation proche entre eNPS et NPS se multiplient, et étant donnée l’importance du sujet (avoir des clients qui recommandent ses produits…) une entreprise de 2021 ne peut raisonnablement plus ignorer l’impact potentiel de l’engagement des salariés sur son business.
Pourquoi ça change la donne ?
Si le renforcement inexorable de cette relation est pleinement assumé (voir parfois communiqué) par la DRH comme par la DG, alors des intérêts qui apparaissaient déconnectés (fidélisation vs. rentabilité) ont la possibilité de s’aligner (fidélisation –> rentabilité).
Si en plus le format des indicateurs parvient à converger comme cela semble être le cas (eNPS et NPS) , alors on s’approche d’un moyen concret de mesurer l’efficacité de cette philosophie (avec par exemple des tests de corrélation ou des initiatives miroirs salariés vs. clients).
A l’instar de ce qui est en train de se passer sur l’Investissement Socialement Responsable, où un rééquilibrage entre impact réduit sur l’environnement et résultat financier est à l’oeuvre, il se pourrait que cette tendance contribue à rééquilibrer le rapport entre capital (les clients d’abord) et travail (les employés d’abord).
Avec comme conséquence immédiate que les DRH qui prennent le lead sur cette nouvelle philosophie voient leur légitimité renforcée dans leurs discussions avec la direction générale, notamment sur les questions budgétaires…
Et si ce n’était pas si difficile ?
En théorie, booster son eNPS ne se fait pas en un claquement de doigts : c’est le résultat de l’ensemble de l’expérience collaborateur qui est jugé.
En pratique, il existe quelques recettes pour y parvenir assez facilement.
Premièrement, les différentes mesures de eNPS montrent que le fait même d’introduire cet indicateur dans l’entreprise a un impact positif, par l’attention sincère que cela montre d’une part, et par la compréhension et l’exploitation des points d’amélioration d’autre part.
On peut citer l’exemple de Candia qui a vu son eNPS augmenter de 22 points en :
- analysant cet indicateur sur une base mensuelle
- communiquant sur son engagement à l’améliorer
- faisant des sondages spécifiques sur les points d’amélioration identifiés
Ensuite, déclencher un pouvoir de recommandation de son entreprise (rappelons que c’est la question posée) est très similaire à la démarche de bouche à oreille en interne : si on recommande une initiative RH à ses collègues aujourd’hui, il y a de fortes chances pour qu’on recommande son entreprise à l’extérieur demain. Les études montrent que le fait de recommander quelque chose engage bien au-delà de l’opinion qu’on peut s’en faire.
Pour cela les actions dédiées au “bien-être des salariés“, autour de la santé ou l’éducation physique, mentale ou financière ont presque toujours cet effet “wow” et sont la plupart du temps assez simples à déployer. Elles ont par ailleurs un eNPS facilement calculable qui fera concrètement augmenter leNPS global.
Même sans viser une expérience collaborateur “parfaite” il y a donc sans doute des raccourcis à prendre en lançant des initiatives qui déclenchent une adhésion large et rapide pour ce qu’elles apportent à chacun d’un point de vue personnel et pas seulement professionnel (i.e. qui ont un effet “wow”).
Raccourcis ou pas, travailler et communiquer sur son eNPS est à coup sûr une tactique payante pour cumuler reconnaissance des salariés et satisfaction de la direction. Ce qui est loin d’être le cas de tous les sujets RH et mérite rien que pour cela d’y prêter attention.