Site Loader
Temps de lecture : 3 minutes

Le projet de loi sur le pouvoir d’achat a introduit une mesure exceptionnelle permettant à chaque salarié de débloquer jusqu’à 10000 € des sommes issues de l’intéressement participation bloquées sur des plans d’épargne salariale. Cette « mesure d’urgence » qui concerne en théorie près de 10 millions de salariés risque en réalité de n’atteindre son but que dans des cas particuliers limités, et de provoquer essentiellement un glissement d’un support d’épargne (le PEE) vers un autre (le livret A).  

Ayons d’abord en tête que pour être concerné par la mesure il faut posséder une épargne bloquée dans un plan d’épargne entreprise. Il faut donc être actuellement en CDI (la fin de contrat de travail est en elle-même un motif de déblocage), dans une entreprise qui distribue des primes d’intéressement de la participation (majoritairement des grandes entreprises ou des PME en bonne santé), et n’être concerné par aucune des mesures de déblocage déjà existantes. 

Plus important, pour être titulaire d’une épargne bloquée dans un PEE il faut avoir décidé ces dernières années d’épargner tout ou partie de ses primes plutôt que de les percevoir. Or pourquoi un salarié décide-t-il de placer ses primes ? En général parce qu’il est imposable (le principal avantage du PEE est d’économiser l’impôt sur ces primes), et parce qu’il possède à côté de ces sommes bloquées, d’une « épargne de précaution » disponible suffisante, au moins l’équivalent de 3 mois de consommation. Dans la pratique c’est d’ailleurs souvent l’absence de ce premier matelas d’épargne court terme qui motive près de 40% des salariés, – les plus jeunes ou ceux qui perçoivent les plus bas salaires -, à percevoir leur prime plutôt qu’à l’épargner. Le « signal » envoyé pour le pouvoir d’achat risque donc de tomber à plat : ceux qui en ont les moyens se sont déjà organisés pour pouvoir financer leurs achats courants, et les imprévus.

Ce signal devient même problématique si on se penche sur la manière dont l’épargne entreprise est placée. En théorie, plus l’horizon d’épargne est long (par exemple pour financer de futurs projets), plus il est possible, voire souhaitable d’investir sur des actifs risqués, au moins une partie de son épargne. C’est le cas à l’évidence de l’épargne retraite (fort heureusement non concernée par la mesure) mais aussi pour une partie de l’épargne salariale, à l’origine bloquée. Or s’il est un conseil universellement admis lorsqu’on investit sur des actifs risqués (dans le cas de l’épargne entreprise les marchés boursiers) c’est celui de garder son cap, et de ne pas vendre avant l’échéance prévue, surtout si une baisse des cours entraine un réflexe de peur ou de rejet du risque. En ce sens le timing de la mesure de déblocage est assez mal choisi puisque « d’ici la fin de l’année » il pourrait pousser des ménages à liquider, à perte, des positions prévues initialement pour des durées plus longues, sans avoir pris le temps de vraiment reconsidérer leur position. 

On pourrait paradoxalement se rassurer en se rappelant que la majorité des salariés épargnants ne maitrisent pas bien les notions financières, et pour cette raison ont plutôt tendance à gérer leur PEE de manière sécuritaire, en particulier sur des fonds monétaires. Ces fonds monétaires sécurisés ayant eu le mauvais goût d’apporter une rentabilité négative ces 5 dernières années (autour de -0,5% par an), l’impact majeur de la mesure pourrait finalement être de provoquer un « effet d’aubaine » permettant à des ménages n’ayant pas besoin de dépenser d’arbitrer cette épargne sécuritaire « subie » vers une épargne sécuritaire « choisie » par exemple le livret A, bien plus attractif avec son nouveau taux de 2% et dont le plafond (un peu plus de 20000 €) n’est en général pas saturé. 

Les comportements d’épargne étant en général assez prévisibles, il y a donc peu à attendre de cette disposition de la loi pour soutenir à effet immédiat la consommation. Au-delà des cas particuliers de salariés « piégés » dans une épargne subie (« choix par défaut » du blocage) le public visé possède en général les moyens de gérer les variations de son pouvoir d’achat, et l’effet majeur risque d’être un déplacement des fonds monétaires du PEE vers le livret A ou la poche de liquidité des ménages.  

Auteur : Nicolas Schimel

Cliquez pour noter cet article !
[Total: 1 Moyenne: 5]

Post Author: Le Blog de la Téléconsultation Financière

Filib' : la téléconsultation financière pour les salariés

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Le Blog de la Téléconsultation Financière

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading